Maria Julia Dondero
Lorsque Barthes donnait ses cours de sémiologie littéraire au collège de France, à partir de 1976, il animait parallèlement un séminaire réunissant un petit nombre de chercheurs. Lors de la dernière année de cours, en 1979-1980, Barthes conçut un séminaire sur les archives photographiques de Paul Nadar, qu'il ne put réaliser, sa mort étant intervenue au tout début de ce séminaire. Ces fonds d'archives recueillent des portraits des personnes connues et aimées par Marcel Proust que Barthes voulait projeter un après l'autre pendant le séminaire. En lisant les quelques pages laissées par Barthes avant sa mort, et en les reliant aux démarches épistémologiques que Barthes développait à ce moment et aux relations privilégiées qu'il entretenait alors avec deux objets, la photographie et le labyrinthe, Maria Giulia Dondero analyse les raisons pour lesquelles Barthes avait retenu pour l'objectif de ce cours, non un travail conceptuel, mais « un dialogue in pectore avec les photos », un exercice « personnel » d'intoxication des visages perdus. Ainsi le séminaire seulement ébauché révèle-t-il des choses essentielles sur le choix intellectuel du dernier Barthes: une science du singulier, une épistémologie de l'assomption, du labyrinthe affectif, de soi-même. Comme on va le voir, ce dernier geste d'enseignant dépasse donc le corpus considéré, pour questionner la nature du travail sémiologique lui-même.