Aude Denizot
La théorie d'Aubry et Rau serait-elle malade ? Beaucoup le pensent et en voient les symptômes dans les nombreuses exceptions à l'unité du patrimoine. Chaque nouvelle atteinte à l'indivisibilité condamnerait davantage la construction classique, aujourd'hui à l'article de la mort. Ce diagnostic s'appuie cependant sur un postulat contestable, qui fait de l'indivisibilité un dogme. Or les différentes éditions du Cours de droit civil français nous révèlent qu'Aubry et Rau étaient fort éloignés de cette idée et qu'ils concevaient l'indivisibilité comme un principe assorti de nombreuses exceptions. Mais celles-ci ont été souvent négligées ou occultées par la doctrine. La pensée des professeurs strasbourgeois s'en est trouvée déformée : on a oublié ce qui faisait l'équilibre de leur construction et on a exalté en contrepoint un principe d'indivisibilité devenu intouchable. Il convient alors de restaurer l'oeuvre d'Aubry et Rau, pour mettre en lumière leurs exceptions et montrer que nos patrimoines affectés contemporains ne froissent pas la théorie classique, mais en révèlent au contraire toute la souplesse.