Jean Feller
Dans chaque ville existent des itinéraires, des lieux de passage consacrés : un vrai Marseillais ne descend jamais la Cannebière sur le côté droit, un Parisien remonte toujours le boulevard Saint-Michel sur le côté gauche ; il y a aussi des lieux de rendez-vous privilégiés ; à Paris, le monument aux morts de la gare Saint-Lazare. A Lille, et depuis un certain temps déjà, on se retrouve au Furet du Nord, on pourrait en donner des explications variées et peut-être toutes aussi vraisemblables. Le Furet, au cœur de la ville, est un lieu commode, on peut s'y abriter quand il fait froid, on peut combler l'attente d'un retard sans ennuis : il y a de la musique, il y a du monde... C'est aussi la plus grande librairie d'Europe ; seules rivalisent, avec elle, Foyle's à Londres, la Librairie générale de Moscou, la Librairie générale d'Helsinki... Et, lorsque l'on a énuméré ces raisons, et peut-être en trouverait-on bien d'autres, rien n'est expliqué. Pourquoi le Furet ? Pourquoi cette entreprise unique qui a réussi, en contredisant la plupart des normes de la librairie, pourquoi cette gaieté, cette chaleur humaine, cette animation incessante ? Nous sommes allés le demander à son créateur, on pourrait dire son inventeur, Paul Callens, et à son frère, Jean. Il nous est apparu que le Furet du Nord, c'est d'abord une réussite qui dépasse le succès commercial, une réussite d'un autre ordre.