J. Barraux
La révolution numérique explique-t-elle l�effondrement des ventes de journaux imprimés sur les rotatives d�une ère industrielle révolue ? Réponse unanime des patrons de presse : oui, bien sûr ! Les historiens du futur seront sans doute moins affirmatifs. L�évidence d�une rupture technologique n�éclipse jamais totalement les autres leviers du changement dans le monde des entreprises. Leviers commerciaux, culturels ou sociétaux qui agissent de manière souterraine, bien avant que le basculement d�un système technique à un autre devienne inéluctable. Le talent d�un entrepreneur s�apprécie justement à sa manière de se glisser dans les zones de fracture d�un marché et à sa façon d�ignorer les clichés déterministes des « experts » et des économistes. La pertinence de son offre à un instant « T » est sa préoccupation de tous les instants. La baisse de qualité de l�offre d�information est ce qui apparaîtra demain comme l�une des causes premières de la crise de la presse traditionnelle, aujourd�hui pétrifiée par la radicalité internet. La demande d�information avait-elle baissé dans les pays développés entre 1980 et 2000 ? Nullement. Le temps consacré à la consommation d�information écrite et audiovisuelle s�était maintenu pendant toutes ces années. Le support papier était-il un obstacle à la variété des sujets traités et à la multiplication des enquêtes d�investigation ? Pas davantage. L�opinion a toujours attendu des médias qu�ils nourrissent le débat public. Or, les analyses comparatives sur deux décennies révèlent une fâcheuse tendance à la banalisation et à l�uniformisation des contenus.