Le tumulus de Soings-en-Sologne (Loir-et-Cher) occupe une place à part sur la première liste des Monuments historiques établie en 1840. S’il fait figure d’exception par sa nature et sa chronologie, il se distingue également de ce corpus par un double caractère d’originalité qui tient aux motivations de son classement et aux conditions de son introduction. Cette singularité prend corps dans l’enquête ouverte en 1837 auprès des Préfets de départements par le Ministre de l’Intérieur C. de Montalivet : elle vise à compléter le travail de l’inspecteur des Monuments historiques et à arrêter une liste de monuments « pour lesquels des secours sont demandés ». Dans le département de Loir-et-Cher, cet épisode met en lumière une personnalité centrale, Louis de la Saussaye (1801-1878), personnalité savante incontestée et fouilleur de Soings-en-Sologne. Dès 1838, ce dernier alerte la Commission des Monuments historiques sur les risques de destruction des « monuments gaulois » par la création du futur réseau routier. En 1840, le tumulus de Soings est le seul d’entre eux à intégrer la liste définitive, alors même qu’il était totalement absent des documents préparatoires. L’analyse minutieuse des archives de L. de la Saussaye et des rapports d’enquêtes préfectorales permet de restituer l’histoire chaotique de cette protection et de formuler une hypothèse d’attribution pour ce monument. En dépit de références confuses, la mention de 1840 renvoie selon toute vraisemblance à la « Butte du Chastellier », fouillée en 1826 par L. de la Saussaye et détruite en 1864 par l’ouverture du Chemin agricole n°7 reliant Contres (Loir-et-Cher) à Aubigny-sur-Nère (Cher) dont l’aménagement avait été planifié près de trente ans plus tôt, sous la Monarchie de Juillet. Exclu des listes de révision des Monuments historiques (1862, 1875, 1887), le tumulus de Soings est finalement réintégré à la faveur de la promulgation de la loi du 31 décembre 1913 et du processus de régularisation qu’elle entraîne. In fine, son classement éclaire toute l’ambiguïté du cadre réglementaire défini dans le second tiers du XIXe s. et de son application aux vestiges archéologiques. Par contraste, cet exposé met ainsi en lumière l’inadaptation d’un dispositif de reconnaissance des Monuments historiques qui se détache nettement de la protection physique posée en principe par les lois de 1887 et 1913 et qui n’a pas permis de mettre un terme à des destructions irréversibles conduites « par cause d’ignorance et de précipitation », selon les propres mots de Guizot (1830).