Mettant fin à sa collaboration au « Bulletin épigraphique » de la Revue des Études grecques, l’auteur réunit la Béotie et l’Eubée en un tout organique, selon la formule adoptée dans les douze bulletins régionaux publiés par ses soins entre 2006 et 2017, dans la conviction que ces deux pays formaient dans l’Antiquité un ensemble géographique et culturel (sinon linguistique) bien réel, qu’il paraît peu heureux de vouloir rompre à nouveau au nom d’un ordre introduit arbitrairement dans le classement usuel des inscriptions de la Grèce et des Îles. La Béotie – pour laquelle est en préparation une nouvelle édition du corpus épigraphique IG VII de 1892 – fournit la matière de la plus grande part des notices (nos 17-42 et 61-130), avec d’importantes nouveautés récentes à Thèbes, Lébadée, Orchomène et Akraiphia notamment. À ce pays se rattachent tout naturellement les villes de la Mégaride, zone tampon entre l’Attique, la Béotie et le Péloponnèse : les fouilles menées à Mégare – métropole de tant d’établissements coloniaux allant de la Sicile à la Mer Noire – ont livré maintes inscriptions nouvelles, dont plusieurs encore inédites, d’où un regain d’intérêt pour l’histoire et les institutions de cette cité (nos 43-60). L’intégration de la Locride opontienne à la Confédération béotienne, phénomène de plus ou moins longue durée selon les villes, reste une question discutée dans le cas d’Oponte, de même que continue à faire problème la localisation exacte des petites cités de Korseia et de Bouméliteia (nos 128-130). Le lien entre le continent et l’Eubée trouve son expression la plus concrète dans l’histoire d’Oropos, ville dont le riche ensemble épigraphique – provenant majoritairement du sanctuaire extra-urbain d’Amphiaraos – ne cesse d’attirer l’attention des chercheurs, car cette « colonie » d’Érétrie fut, durant des siècles, une pomme de discorde entre Athènes, Thèbes (ou le Koinon béotien) et l’ancienne métropole eubéenne (nos 131-142). En Eubée même, c’est la cité et le territoire d’Érétrie, avec l’Artémision d’Amarynthos tout récemment localisé, qui ont livré le plus de nouveautés épigraphiques ; mais il y a plusieurs inédits à Chalcis, et la publication d’un catalogue de souscription (epidosis) trouvé à Kérinthos, ville homérique, ouvre d’intéressantes perspectives pour la géographie politique de la moitié nord de l’île (nos 143-229). Enfin, l’élargissement de l’enquête à la Chalcidique de Thrace se justifie aisément dans le fait que la côte nord-ouest de l’Égée – colonisée dès la haute époque archaïque tant par les Érétriens que par les Chalcidiens – demeura jusqu’à la conquête macédonienne (348 av. J.-C.) comme un prolongement de l’Eubée (nos 230-240).
Depuis la présentation par ses inventeurs devant l’Académie, en 2006, de l’inscription de Dikaia (colonie d’Érétrie), ce document d’un intérêt exceptionnel pose avec acuité la question de la marche du calendrier des cités côtières de la Thrace, dont l’origine eubéenne n’a plus de contradicteurs depuis l’article publié naguère par l’auteur dans ce même périodique (Journal des Savants, 1989, 1-2, p. 23-59) et les travaux convergents de Miltiadès Hatzopoulos. L’apparition au IVe siècle, dans certaines cités fondées – ou refondées – par les rois de Macédoine, d’un nouveau calendrier, dit des Douze Dieux (que mentionne déjà Platon) est un phénomène politico-religieux digne d’attention : selon une hypothèse présentée ici pour la première fois en conclusion, le berceau de cette innovation pourrait avoir été la ville d’Histiée-Oréos, la plus septentrionale des cités eubéennes, elle aussi refondée au tournant des Ve et IVe siècles après sa temporaire disparition en tant que polis.