Éliane Le Port
Les pratiques alimentaires sur le lieu de travail occupent une place particulière dans les témoignages écrits ouvriers de type autobiographique. L�examen des comportements et des stratégies alimentaires renseigne à la fois sur les lieux et les temps de repas et de pause, sur les types de nourriture ainsi que sur les sociabilités à l��uvre. L�atelier apparaît comme un lieu important de consommation, notamment dans les récits publiés dans l�immédiat après-guerre. Si plusieurs témoignages révèlent des habitudes ancrées, une fidélité au repas sur le lieu du travail, répondant au besoin de recréer un espace familier, d�autres ouvriers préfèrent les espaces extérieurs à l�usine ou au chantier et « sortent du travail », dans les restaurants ouvriers, au café, mettant à distance le lieu du travail. Qu�elles soient ordinaires ou festives, les pratiques alimentaires s�inscrivent dans les rythmes quotidiens du travail et les témoignages révèlent des liens complexes entre des temps a priori différenciés, celui de la production et celui du repas. Derrière la grande variété de comportements, les témoignages laissent voir une forte socialisation de l�acte alimentaire : se mettre à table au travail demeure le plus souvent un temps partagé. En cela le repas représente une des pierres de touche des sociabilités ouvrières que traduit l�écriture.