La guerre en Bosnie a été présentée comme le paradigme des « nouvelles guerres » prenant pour cible les populations civiles. Les bilans de victimes deviennent dès lors cruciaux dans l�interprétation de la guerre. Cet article analyse comment les victimes (civiles) deviennent objets de bilans de guerre et moyens de preuves dans un dispositif d�enquêtes et de procès. Il présente d�abord les difficultés générales dans l�établissement de ces bilans : 1) proximité des événements ; 2) multiplicité des institutions nationales et internationales y contribuant et multiplicité de catégorisation des victimes ; 3) dimension internationale du conflit avec présence de forces de l�ONU ; 4) imbrication entre bilans de guerre et d�après-guerre ; 5) et entre bilans de l�après-guerre et de l�avant-guerre (du communisme). Il propose ensuite une comparaison précise du travail du Tribunal pénal international pour l�ex-Yougoslavie (TPIY), pour les crimes commis à Prijedor en 1992 et à Srebrenica en 1995, objets de nombreuses enquêtes et rapports. Cette comparaison manifeste la différence entre modèle des ONG, modèle historien et modèle judiciaire de l�enquête. Elle manifeste aussi des différences significatives dans la contribution des bilans de victimes et des témoignages des victimes (vivantes ou mortes) à l�établissement de la vérité judiciaire. Elle remet en cause les interprétations en termes de « nouvelles guerres » ainsi qu�une interprétation « traditionnelle » de la justice pénale internationale héritée de Nuremberg.