Jean-François Lafaix, Olivier Renaudie
Familier des juristes et des politistes, le territoire est traditionnellement présenté comme un élément constitutif de l'Etat. L'Etat ne saurait en effet exister sans cet espace géographique sur lequel il exerce sa souveraineté. Aussi classique soit-elle, cette approche du territoire fait aujourd'hui l'objet d'une attention renouvelée. D'un côté, la notion même de territoire semble désormais chargée d'ambigüités : d'une part, il n'est pas certain que la définition liée à la souveraineté de l'Etat sur un espace géographique donnée soit également celle retenue notamment par les géographes ; d'autre part, au sein de la communauté des juristes, il n'est pas certain que les internationalistes et les internistes retiennent une définition identique du territoire. De l'autre côté, le territoire est l'objet d'importantes tensions. D'une part, on assiste à un mouvement de territorialisation du droit, c'est-à-dire de prise en compte du territoire dans l'étendue et le contenu des règles de droit : celle-ci conduit à l'élaboration de normes locales et à des applications différenciées du droit. D'autre part, un vaste mouvement de "réforme territoriale" est actuellement en cours. Il y a eu la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale, qui a notamment conforté la place des métropoles.
Il y aujourd'hui le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, adopté en première lecture par le Sénat le 27 janvier 2015, qui procède à un redécoupage de la carte des régions. Au-delà des modifications opérées, ces textes se révèlent remarquables dans la mesure où ils semblent envisager la carte de France comme une superposition de territoires. Il apparaît dès lors légitime de se demander si l'on n'est pas passé du territoire aux territoires. C'est précisément l'objet de ce dossier spécial intitulé "Territoire(s)", que de tenter d'apporter quelques éléments de réponse à cette interrogation.